Sobekâa feat. Avan Jogia (terminé)

Si Sobekâa n’était pas déjà le quatrième fils d’Amenmosé, un forgeron égyptien comme on en trouve d’autres dans la superbe Alexandrie, peut-être que sa naissance aurait été d’avantage sujette à festivité pour les siens. Peut-être même que les choix qui succèderaient, plus tard, à ce début d’existence auraient été complètement différents.

La vie aurait pu prendre une tournure plus attendue : sûrement qu’il aurait suivi les pas de son géniteur dans le travail du métal. Trouvant sa voie et sa place parmi ces artisans qui parsemaient la ville. Mais les Dieux étaient joueurs, paraît-il. S’amusant, parfois, à faire dévier l’âme du chemin que ses semblables lui avaient tracé.

C’est pourtant loin de ces préoccupations que le nouveau-né ouvrit les yeux sur le monde, entouré de ses parents, de ses oncles et de ses trois frères. Prenant place dans une dynamique familiale plutôt sereine et dévouée, fière du talent qui naissait progressivement entre les mains de sa descendance.

Seul le souvenir discordant, étrange et contesté, d’un Aïeul guerroyant venait troubler la quiétude de cet agréable foyer. Mémoire dissolue, désapprouvée et vouée au silence.

Vérité cachée et à peine audible entre les lèvres de ces aînés protecteurs. Car durant toute son enfance, Sobekâa ne cessa pas une fois de questionner ce visage sans traits. Ce personnage inconnu qui semblait avoir tenu aussi bien des lances que des cimeterres en de lointaines batailles. Et il ne comprenait pas ce désaveu perpétuel des siens. Pas plus que les silences réprobateurs de Diounout, sa mère, et les commandements étouffants d’Amenmosé.

« Tu plieras le métal, mon fils. Ou tu ne seras pas. »

Une destinée toujours plus difficile à entendre et à envisager au fil des années, tant Sobekâa espérait plus que cette simple vie à Alexandrie. Après tout, ces histoires de héros et d’exploits superbes que les plus intellectuels contaient … Elles démarraient bien quelque part, exact ? Elles commençaient bien à partir de quelqu’un ? Mais c’était les Dieux qui prenaient la décision, toujours, de mettre en avant une âme plutôt que les autres.

Qu’est-ce qu’il pourrait bien faire pour que les Dieux daignent le remarquer, lui ? Mortel insignifiant, au sang imparfait tant il se trouvait loin de la moindre once de royauté. Tant il baignait dans les arts manuels discrets plutôt que les grands coups d’éclats militaires. Qu’est-ce qu’il pourrait bien réaliser pour qu’il puisse prétendre à cette place enviée et presque éternelle, de héros de l’Égypte ?

L’interrogation lui brûlait perpétuellement les lèvres et les doigts faute de réponse suffisante. Faute de stature satisfaisante. Faute de tout, en fait. Il avait dix ans, Sobekâa, et il rêvait déjà de tout ce que la vie pouvait lui offrir au-delà des frontières du raisonnable. De tout ce qu’il voudrait réaliser pour briller devant les Dieux et les Hommes. Sans doute car il était le quatrième fils d’Amenmosé. Un énième enfant, aimé et préservé certes, mais loin d’être unique. Loin d’être celui vers qui l’on se tournait avec les meilleures dispositions. Parce qu’il était un fils de trop, à ses yeux. Obligé de devenir forgeron alors que c’était le parcours guerrier de son Aïeul qui lui plaisait.

Cette perception, probablement biaisée par la jalousie et l’envie oppressante d’être toujours plus que les autres, ne fit que croître pendant son adolescence. Jusqu’à l’esclandre, pourtant évitable, en 56 avant J-C. Celle qui vit Sobekâa quitter les siens, le cœur blessé par leurs avertissements et leurs doutes légitimes, pour rejoindre l’armée Ptolémaïque.

Et si sa stature, plutôt fine, engendra des problèmes au cours des premières années, sa volonté ne se fit que plus cruelle et déterminée. Quitte à ce qu’il souffre jusqu’à s’en briser le souffle et la raison. Terrible envers lui-même pour espérer devenir meilleur et transcender l’image qu’il renvoyait. Implacable dans son raisonnement : car il lui fallait quérir l’intérêt des puissants pour devenir ce fantasme erroné de guerrier mythique. A l’instar de cet Aïeul qu’il se représentait avec beaucoup trop de rêve et pas assez de réalité.

Peut-être qu’avec les entraînements et les combats, il deviendrait plus fort et dominerait ses faiblesses. Les années qui s’écoulèrent ne confirmèrent pas vraiment cette espérance, même si elles permirent au jeune homme de mieux en discerner ses atouts : sa force, il la puisait davantage dans son agilité et sa vivacité que dans la puissance de ses coups et de ses muscles.

Et il était encore si loin de ses rêveries. Si obnubilé par la réussite, par l’idée de marquer les esprits … Qu’il ne rechigna pas à accepter son affectation à la garnison de Memphis. Après tout, ce n’était qu’une étape de plus vers ses espoirs. Non ?

Caractère : De prime abord, Sobekâa apparaît déterminé et fougueux, plein de cette véhémence propre à la jeunesse. Il sait qu’il doit faire ses preuves pour espérer plus des Dieux et des Hommes. Car il a de l’ambition, le guerrier en devenir. Il a un rêve fantasque, qui le pousse vers des décisions hâtives. Des solutions scabreuses. Sans doute pour dissimuler un peu de ces failles qui courent sous sa peau. Des errements et des faiblesses qu’il préfère garder sous silence, pour ne pas se montrer indigne de la tâche que l’on attend de lui.
Au moins, il essaie de se montrer respectueux à l’égard de ses aînés.